Interview d’Agnès Magnien, présidente du comité français « Mémoire du monde »

  • Culture

Publié / modifié le : 28/05/2025

En avril 2025, l’Organisation des Nations-Unies pour l’éducation, les sciences et la culture a inscrit 74 nouveaux documents à son registre international « Mémoire du monde ». L’Unesco a retenu deux ensembles d’archives, en partie conservés aux Archives nationales de France : le traité de Paix entre la France et la Suisse et l’expédition d’Entrecasteaux. Agnès Magnien, inspectrice générale des Affaires culturelles et présidente du comité « Mémoire du monde » en France, explique le fonctionnement et les enjeux de ce programme international.

Quel est le rôle du comité français ?

Pour faire reconnaître que le patrimoine documentaire du monde appartient à tous et qu’il est nécessaire de favoriser sa préservation et son accessibilité, plusieurs démarches sont poursuivies dans le cadre du programme « Mémoire du monde », initié par l’Unesco. C’est ce que tente de relayer le comité français.

Ainsi, les Journées nationales « Mémoire du monde » – qui se sont déroulées en novembre 2024 à la Cité internationale de la langue française à Villers-Cotterêts – avaient pour thème la valorisation du patrimoine documentaire, notamment via le numérique.

La préservation du patrimoine va de pair avec l’accès au patrimoine. Elle doit être entreprise avec les techniques les plus appropriées et rendre possible un accès universel.

D’autre part, le comité participe à la préparation des candidatures à l’inscription au registre international de la Mémoire du monde. À chaque session, tous les deux ans, un État membre peut déposer, via sa commission nationale française auprès de l’Unesco, jusqu’à deux candidatures strictement nationales et un nombre illimité de candidatures multinationales. 
Le comité que je préside s’assure en amont de l’éligibilité et accompagne le dépositaire dans la rédaction du dossier de candidature.

Pourquoi certains dossiers sont-ils portés par des délégations internationales ?

Au cours du dialogue que nous instaurons avec les dépositaires, nous nous efforçons, entre autres, d’évaluer la pertinence d’une candidature portée par plusieurs États membres à partir du moment où des archives complémentaires y sont conservées.

Car les archives existent de toutes parts. Elles reflètent l’histoire de l’humanité. Une humanité qui est d’abord marquée par des déplacements de populations, des interférences, des guerres, des alliances, du commerce, etc. Au-delà des frontières entre États, les archives ne cessent jamais de se compléter les unes aux autres, de s’éclairer entre elles. 

De plus, comme la « « Mémoire du monde » reste parcellaire, dominée par l’investissement occidental, elle voit l’Amérique latine, l’Afrique ou les Pays arabes largement sous-représentés dans les inscriptions. Un État comme la France doit pouvoir contribuer à cette préservation via des candidatures transnationales, comme celles que la France a déjà porté avec ATD-Quart monde et le Burkina Faso, ou encore sur les registres matricules d’esclaves avec Haïti.

Quels sont les atouts d’un document ou d’un ensemble documentaire inscrit au registre international ?

Parlons plutôt de responsabilité de l’institution ou du dépositaire/propriétaire en charge ! Quand les fonds documentaires sont inscrits au registre international, l’Unesco reconnaît leur impact sur le temps ou dans une aire géographique, leur intérêt social, collectif ou spirituel, leur rareté. Cela signifie aussi que l’Unesco s’est assuré de l’attention portée par leurs dépositaires à leur préservation et à leur valorisation.

Ainsi, parmi les 570 biens inscrits au registre international à ce jour, 21 sont français, soit six de plus inscrits à la session de 2025. 

Les six dépositaires s’engagent à préserver, rendre accessible et valoriser ce patrimoine : 

  • les Archives nationales (expédition d’Entrecasteaux et traité de paix perpétuelle avec la Suisse) ; 
  • la BNF (« Archives de la parole » - 1911-1953) ; 
  • le Musée Albert-Kahn (« Archives de la planète » - 1909-1931) ; 
  • le Musée national de l’éducation  ainsi que 16 institutions de sept autres pays (« 1914 - 1950 - Écrits et dessins de jeunes en temps de guerre ») ; 
  • le CNC et la Cinémathèque avec trois autres pays (« Les films 68 mm de la Mutoscope and Biograph Company »).

Et, nous préparons le dépôt des prochaines candidatures !

© Carole Bauer/Archives nationales de France

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