1958. D’une République à l’autre
Publié / modifié le : 15/04/2025
En 1958, la France est en pleine guerre d’Algérie. Le 3 juin, Charles de Gaulle obtient les pleins pouvoirs en vue de l’élaboration d'une nouvelle Constitution, soumise au référendum populaire le 28 septembre. Le 21 décembre 1958, il est élu premier président de la Ve République, au suffrage indirect. Retour sur les enjeux et le contexte.Changer de régime
La crise politique et le retour de Charles de Gaulle
En 1958, la France est en pleine guerre d’Algérie, dans un contexte institutionnel où les pressions politiques empêchent toute forme de stabilité : la IVe République se caractérise par des jeux permanents d’alliances parlementaires qui entraînent la chute de nombreux gouvernements.
Le Gouvernement Félix Gaillard étant tombé le 15 avril, le président de la République René Coty envisage de nommer comme président du Conseil Pierre Pfimlin, partisan de la négociation avec le Front de Libération nationale algérien (FLN).
En réponse, le « putsch d'Alger » du 13 mai crée un « Comité du salut public » qui en appelle au retour de Charles de Gaulle, alors retiré de la vie politique. Ce dernier se laisse convaincre, en entretenant l’ambiguïté sur ses positions (son discours « Je vous ai compris », prononcé à Alger, est par la suite vécu par beaucoup de partisans de l’Algérie française, comme une trahison).
Le 15 mai, de Gaulle se déclare « prêt à assurer les pouvoirs de la République ». Le 27 mai, il annonce avoir « entamé le processus régulier nécessaire à l'établissement d'un gouvernement républicain capable d’assurer l'unité et l'indépendance du pays ».
Le Gouvernement de Gaulle est investi le 1er juin. Le 3, Charles de Gaulle obtient les pleins pouvoirs en vue de l’élaboration d'une nouvelle Constitution.

Préparer de nouvelles institutions
Le Gouvernement de Gaulle, chargé de présenter une nouvelle Constitution, commence ses travaux en juin. Dans le contexte de la guerre d’Algérie, Charles de Gaulle ressent la nécessité d’un pouvoir exécutif fort, à l’abri des déstabilisations qui ont marqué la IVe République : la question des motions de censure, et le mécanisme de l'encadrement de la responsabilité du gouvernement, sont alors au cœur du dispositif.
D’autres sujets sont également particulièrement étudiés : ainsi le pouvoir judiciaire, qui vit une réforme profonde. La plume de Michel Debré, alors Garde des sceaux, témoigne de cette réflexion autour de la place du magistrat et de l’indépendance de la justice.

Préparer les élections
La Constitution rédigée est soumise au référendum populaire le 28 septembre 1958. La préparation des opérations de vote aborde des questions aussi matériellement incontournables que celle du tonnage de papier nécessaire, dans un contexte où la production souffre encore des pénuries causées par la Seconde Guerre mondiale. D’autres préparations sont nécessaires, comme le fait de devoir raccorder au télégraphe et au téléphone les bureaux de vote pour assurer la transmission des résultats.
Plusieurs voix s’élèvent pour réclamer la possibilité du vote par correspondance pour les métiers « empêchés » de se déplacer (marins, acteurs, commerçants…). Gérard Philipe, célèbre comédien et président du Syndicat des acteurs, interpelle le ministre de l’Intérieur, le 14 novembre, en ce sens. Le vote par correspondance, sous conditions, est entériné pour ce scrutin ; il sera abandonné en 1975.

L'heure du choix populaire
En campagne
L’été 1958 voit le déroulement d’une campagne qui, malgré son caractère précipité, donne lieu à des débats enflammés : pour ou contre le changement des institutions, les Français se mobilisent.
Parmi les enjeux de la réforme des institutions, le cas de « l’outre-mer » est particulièrement emblématique : quel statut attribuer aux territoires français, dans le contexte de décolonisation ?
L’Union française, créée par la IVe République, avait transformé les anciennes « colonies » en « territoires d’outre-mer », qui font désormais partie de la République française – avec la métropole et les départements d’outre-mer (Algérie, Guadeloupe, Martinique, Réunion, Guyane) –, alors que les protectorats deviennent des États associés.
La Constitution de la Ve République crée la Communauté française, ce qui n’est pas sans soulever des débats : des voix comme celle de l’écrivain et penseur martiniquais Aimé Césaire se font entendre, dénonçant le sort réservé aux « parias de l’Empire ».

Surveiller
Le changement des institutions ne laisse pas indifférent. La perspective du renforcement des pouvoirs du président de la République inquiète, dans un contexte où le souvenir du régime autoritaire du maréchal Pétain n’est pas encore lointain, et où l’existence de régimes totalitaires dans des pays européens n’est pas une fiction.
Le recours à un « homme fort », militaire qui plus est, qui concentrerait les pouvoirs de l’exécutif réveille ainsi les craintes devant la perspective d’un régime autocratique. La figure de Charles de Gaulle ne fait pas non plus l’unanimité : s’il est pour la majorité des Français « l’homme de Londres », celui dont le charisme rassemble, certains le considèrent comme un déserteur, voire un mutin contre l’autorité du chef de l'État de 1940. Les services de l’État surveillent attentivement les camps du « non », dont celui des communistes, qui sont alors une force politique de premier plan.

Voter
Le 28 septembre 1958, les Français votent en très large majorité pour le projet qui leur est soumis : 79,25 % des voix. C’est une victoire personnelle pour Charles de Gaulle. Aussitôt, la campagne pour l’élection présidentielle se met en place. Elle voit s’affronter le général de Gaulle (qui se présente sans étiquette politique), Albert Châtelet (Union des forces démocratiques) et Georges Marrane (Parti communiste français).
Le 21 décembre 1958, ce sont 80 000 grands électeurs qui sont appelés aux urnes : l’élection présidentielle de 1958 est, en effet, la seule de la Ve République à ne pas s’être déroulée au suffrage universel direct. La Constitution sera modifiée en ce sens dès 1962.
Charles de Gaulle l’emporte dès le premier tour, avec 78,51 % des voix contre 13 % pour le candidat communiste Georges Marrane et 8,46 % pour Albert Châtelet.
