Les conductrices ambulancières de la Croix-Rouge française : héroïnes de la Libération

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Publié / modifié le : 11/06/2025

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Lors des combats de la Libération et des nombreux bombardements des villes côtières, les conductrices-ambulancières de la Croix-Rouge sont fortement mobilisées. Les traces de ces engagements sont particulièrement visibles dans les récits, rapports, journaux de marche et dans le Bulletin des conductrices (revue d'information mensuelle) conservés dans le fonds de la Direction des conductrices ambulancières. En tout, 1200 conductrices étaient en activité pendant la guerre, 9 d'entre elles y ont perdu la vie.

En 1944, les Sections sanitaires automobiles régionales (SASR) forment des groupes mobiles où les conductrices suivent les armées alliées et participent aux débarquements de Normandie et de Provence.
 

Bulletin des conductrices n°35 du 1er juin 1945
Archives nationales de France, 20200063/143

C'est le cas de Jacqueline Heiniger, affectée à la Section du Calvados. Elle a « accompli de nombreuses missions dangereuses parcourant des routes constamment soumises aux tirs d'artillerie et traversant à plusieurs reprises les lignes pour ravitailler et transporter les blessés », comme l'indique sa citation à l'Ordre du régiment et l'attribution de la croix de guerre par le général Koenig en 1945.
 

Citation à l'ordre du régiment et attribution de la Croix de guerre avec étoile de bronze par le Général Koenig au nom de Jacqueline Heiniger pour son engagement dans la bataille de Normandie, 19 juin 1945,
Archives nationales de France, 20200063/37

Une autre conductrice, Elisabeth Blaise, est au cœur du récit détaillé d'une histoire de prisonniers de guerre Allemands dans les environs de Boulogne-sur-Mer. Ces deux jeunes femmes s'engagent par la suite dans une unité mobile célèbre pour ses hauts faits.
A la fin de la Seconde Guerre mondiale, un groupe de femmes volontaires de la Croix-Rouge française surnommé l'Escadron Bleu (en référence à leur uniforme offert par l'armée américaine), est chargé d'une mission de sauvetage à haut risque par le Général de Gaulle. L'Unité mobile n°1, créée le 13 avril 1945 par un arrêté du ministère des Prisonniers, Déportés et Réfugiés, est composée de 11 femmes, infirmières et ambulancières de la Croix-Rouge française, qui effectuent près de 200 missions au départ de Varsovie entre le 27 juillet et le 11 novembre 1945. Leur objectif est de soigner et rapatrier les déportés, travailleurs du STO et prisonniers politiques français, détenus dans les camps nazis d'Europe de l'Est. Les membres de l'Escadron conduisent cinq ambulances, les célèbres Austin, offertes à la Croix-Rouge française par le roi George VI.
 

Rapport de la section de Boulogne-sur-Mer : « Histoire des prisonniers, trois semaines de bataille, quinze jours de siège », 18 septembre 1944
Archives nationales de France, 20200063/106

Madeleine Pauliac, résistante, lieutenant et médecin cheffe en charge de l'hôpital français à Varsovie, affecte les missions au groupe dont les membres sont : Violette Guillot (cheffe d'unité), Micheline Revéron dite "Miche", Aline Tschupp, Elisabeth Blaise, Simone Braye, Jacqueline Heiniger, Cécile Stiffler et Jeannine Robert dite "Petit Bob" (sept conductrices), ainsi que Simone Saint-Olive dite "Sainto", Charlotte Pagès dite "Pagès" et Françoise Lagrange (toutes trois infirmières).
Courageuses, toutes les volontaires engagées dans le conflit se sont distinguées par leur dévouement et leur humilité à l'image de Cécile Stiffler qui écrit dans une lettre adressée à la Direction en 1955 : « Je n'ai jamais fait que mon devoir avec tout mon cœur et n'en attendais pas une si haute récompense. […] Je reste ambulancière de cœur, prête à répondre à votre premier appel. »
Aujourd'hui, si elles sont nombreuses à avoir été décorées pour leurs actions tant individuellement que collectivement, aucun monument ne commémore leur épopée. Un documentaire récemment primé retrace leur histoire, Les Filles de l'Escadron Bleu, écrit et réalisé par Philippe Maynial et Emmanuelle Nobécourt ; il a été diffusé par France 5 en 2020.
 

Rapport sur l'activité de la Section d'Ambulancière de la Croix-Rouge du 27 Juillet au 11 novembre 1945 par le lieutenant Madeleine Pauliac, Médecin-chef de l'Hôpital français de Varsovie, 12 novembre 1945
Archives nationales de France, 20200063/107

Le 13 avril 1944, Aline Tschupp rejoint les conductrices de la Croix-Rouge à Metz. Affectée à la Section automobile sanitaire de la Somme, elle est ensuite cheffe de poste à Chantilly ; enfin, elle intègre le groupe mobile n°1 en 1945. Aline et ses collègues arrivent à Dachau le lendemain de la libération du camp par les Américains, le 29 avril 1945. Elles évacueront ensuite des déportés de Buchenwald et d'Auschwitz.
 

Fiche individuelle d'Aline Kunegel née Tschupp,
Archives nationales de France, 20200063/31

 Après-guerre : reconstruction et service en temps de paix

Au sortir de la guerre, les Sections Automobiles Sanitaires (SAS) développent leurs activités en temps de paix. En plus des transports sanitaires (urgences ou transferts de malades), elles créent les Camions de Consultation Ambulante des Nourrissons (CCAN) avec le concours des Croix-Rouge américaine, britannique et écossaise, ainsi que les camions de radio-dépistage de la tuberculose dans les entreprises et les écoles et, plus tard, des services mobiles de vaccination. Le service des CCAN est créé en novembre 1945 pour permettre de suivre les enfants des communes reculées des départements où les consultations fixes ne sont pas encore installées. Le personnel des camions était composé d'une conductrice, d'un médecin et d'une infirmière ou d'une assistante sociale.

Détail d'une brochure de la Direction des conductrices ambulancières, Camion de consultation du nourrisson
Archives nationales de France, 20200063/139

La population, exsangue après des années de privation et de souffrance, continue de subir le rationnement. La Croix-Rouge française soutient les familles en distribuant de la nourriture provenant notamment des dons américains. Dans le Finistère, des mères de famille reconnaissantes ont fabriqué un livre d'or en remerciement des dons de riz envoyés par des familles américaines.
 

Remerciement des mères de familles pour la distribution de riz américain, album et dessin, Finistère, (1948-1949)
Archives nationales de France, 20200063/133
Bulletin des conductrices n°35 du 1er juin 1945
20200063/143, © Archives nationales de France

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