Exploration de Charleville : de la captation 3D au jumeau numérique

Un plan du XVIIIe siècle, aux dimensions hors normes, nous offre un voyage au cœur de Charleville, dans les Ardennes.

Le plan Dodet, un objet unique et incomparable

Conservé aux Archives nationales, ce plan exceptionnel de la ville de Charleville a été réalisé en 1724 par l’architecte Nicolas Dodet pour le Prince de Condé. Inspiré des plans-reliefs construits à partir de la fin du XVIIe siècle, ce plan-maquette est une représentation en trois dimensions de la cité ardennaise : 213 élévations dessinées sur papier fort, aquarellées et collées perpendiculairement sur le réseau des rues et des places, recouvrent une surface de 4 m2

Un peu d’histoire…
Située dans les Ardennes, Charleville a vu le jour sous l’impulsion du prince Charles de Gonzague, au début du XVIIe siècle. De son côté, Mézières est une ville commerçante au bord de la Meuse, qui prospère au Moyen Âge. 
En 1965-1966, les deux villes fusionnent avec quatre autres communes et donnent naissance à Charleville-Mézières.

Vue du vieux plan de la ville de Charleville en hauteur.
Orthophotographie du plan Dodet (CP/N/II/Ardennes/1). © William Siméonin/Archives nationales de France

Chiffres clés

213

élévations sur papier fort

4 m2

de surface

2 050

prises de vues macro

Malgré une topographie simplifiée et quelques façades stéréotypées, ce plan a été conçu sur la base de relevés précis. Il donne une idée réaliste de cette ville neuve, qui a subi peu de transformations depuis sa création, en 1606, jusqu’à nos jours. 

Un traitement innovant
À cet objet hors du commun, il était nécessaire d’appliquer un traitement expérimental et innovant. Grâce à un partenariat entre la Sorbonne Université-CNRS et les Archives nationales, une équipe transdisciplinaire a pu être formée. Des ingénieurs des Centres Roland-Mousnier et André-Chastel se sont associés aux photographes des Archives nationales pour mener des campagnes de lasergrammétrie et de photogrammétrie, entre 2021 et 2022.

La modélisation 3D obtenue à partir de plusieurs milliers de prises de vue macro offre une réplique numérique de la ville d’un intérêt majeur. En effet, cette maquette virtuelle donne à voir ce que l’œil ne peut percevoir. Elle permet de se faufiler dans des ruelles étroites, de découvrir des cours et jardins, de relever des inscriptions (noms de propriétaires), d’interpréter des dessins (écuries, tombes…).
Utilisée comme source historique, cet objet numérique est un outil précieux pour améliorer la connaissance de la ville.

À l’origine de la modélisation, un projet de recherche de grande envergure

Financé par l’Agence nationale de Recherche entre 2007 et 2011 et coordonné par François-Joseph Ruggiu, professeur d’histoire moderne à la Sorbonne Université-CNRS, le projet « Mobilités, populations et familles » s’est intéressé à l’évolution sociodémographique de la ville de la fin du XVIIe jusqu’à la fin du XIXe siècle. 
Charleville est, en effet, le seul exemple en France – et l’un des rares exemples en Europe – à avoir produit et conservé les listes nominatives de dénombrement de la population, sans lacunes, depuis 1698 jusqu’à 1924.
Ces sources de recensement exceptionnelles, couplées aux registres des paroisses et de l’état civil, ont été injectées dans une base de données de population massive sur le modèle de la base canadienne Balsac.

Des données historiques spatialisées
Le projet de recherche « Connexions carolopolitaines : Espaces, Population, Patrimoine » dirigé par Vincent Gourdon (Sorbonne Université) a prolongé cette étude sociologique. En croisant l’enquête sur la population avec les techniques de géoréférencement des Systèmes d’information géographique (SIG), le CNRS et le CSTB (Centre scientifique et technique du bâtiment) sont parvenus à spatialiser les données historiques sur le parcellaire de la ville.

De la 3D à la 4D

La modélisation du plan Dodet vient apporter une nouvelle pierre à ces travaux par la création d’un jumeau numérique, historique et urbain. 
Projeté sur le plan contemporain, le plan du XVIIIe siècle matérialise la rencontre entre l’histoire sociodémographique, l’urbanisme et le patrimoine.

Un objet patrimonial numérique pour explorer l’espace et le temps

L’étude diachronique de la société, du tissu urbain, du bâti, de l’expansion spatiale… : tels sont quelques sujets de recherche que permettent le croisement des données et des technologies numériques.
L’objectif de cette mise à disposition est d’ouvrir de nouveaux champs exploratoires et de susciter de nouveaux regards.

Au-delà de l’exploitation scientifique, ce jumeau numérique entend proposer au public une nouvelle expérience. Il offre un voyage dans l’espace et dans le temps. Son ouverture au public dans le cadre d’un parcours muséographique moderniserait et renouvellerait l’expérience de visite. Le projet se poursuit dans ce sens.
 

Vue du plan en relief qui montre les façades des immeubles anciens
Détail des élévations du plan Dodet (CP/N/II/Ardennes/1). © William Siméonin/Archives nationales de France
Deux hommes avec des masques hygiéniques, le photographe et l’ingénieur, sont debout. Ils se tiennent devant un grand plan en relief ancien. ils montrent du doigt un bâtiment de la maquette. À côté d'eux, se trouve l'appareil photo numérique.
Le photographe William Siméonin (Archives nationales) et l’ingénieur Sylvain Rassat (CNRS) définissent la méthodologie de captation 3D. © Nicolas Dion/Archives nationales de France
Exemple de données issues des recensements, couplées au parcellaire de Charleville.
Exemple de données issues des recensements, couplées au parcellaire de Charleville.
Plan avec quelques façades redressées et de grande zones vides où les parcelles sont marquées par des pointillés noir, sur un fond beige/rosé.
Géoréférencement des façades du plan Dodet dans le SIG de Charleville. © cartographie-charleville.nakala.fr
Vue du plan en relief qui montre les façades des immeubles anciens Deux hommes avec des masques hygiéniques, le photographe et l’ingénieur, sont debout. Ils se tiennent devant un grand plan en relief ancien. ils montrent du doigt un bâtiment de la maquette. À côté d'eux, se trouve l'appareil photo numérique. Exemple de données issues des recensements, couplées au parcellaire de Charleville. Plan avec quelques façades redressées et de grande zones vides où les parcelles sont marquées par des pointillés noir, sur un fond beige/rosé.

Pour aller plus loin

Visualisation de la maquette 3D  

Journée d’étude du 6 avril 2023 « Numérisation 3D : le plan de Charleville, dit plan Dodet, 1724 ». 
> Résultats du projet et perspectives 
> Vidéo de présentation de la modélisation 

Numérisation et modélisation 3D d’un plan de Charleville réalisé par l’architecte Nicolas Dodet

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