Les Archives nationales et le site Geneanet autour du « fonds de Moscou »
Les Archives nationales et Geneanet, premier site français de généalogie, ont signé une convention de partenariat. Cette convention permet la mutualisation et la coordination de l’indexation des registres du fichier central de la Sûreté nationale, dit « fonds de Moscou ».
Cette coopération permettra de simplifier l’accès à ce fonds très riche. Elle bénéficiera à tous les généalogistes, chercheurs ou simples curieux qui souhaiteraient s’y orienter et y retrouver la trace de quelqu’un.
Que contient le « fonds Moscou » ?
Les Archives nationales conservent le fichier central de la direction de la Sûreté nationale du ministère de l’Intérieur. Ce fichier a été constitué entre la fin du XIXe siècle et 1940. Il a été restitué à la France par la Russie, en 1994, dans le cadre des restitutions des archives dites du « fonds de Moscou ».
Les dossiers de la direction de la Sûreté, ancêtre de la police nationale, sont un fonds emblématique des Archives nationales tant par la richesse de son contenu que son incroyable histoire. En effet, les quelque 10 000 cartons saisis par les Allemands, en 1940, dans les bureaux du ministère de l’Intérieur ont ensuite été récupérés par les Russes.
Ce fonds devient le « fonds n° 1 » des trésors de guerre conservés aux Archives spéciales centrales d’État, à Moscou. Après de longues négociations diplomatiques, les archives sont restituées à la France entre 1994 et 2001, avec les autres archives publiques et privées connues sous le nom de « fonds de Moscou ».
Le fichier central de la Sûreté nationale est, aujourd’hui, conservé et consultable aux Archives nationales sur le site de Pierrefitte-sur-Seine.
Il est constitué de plus de 2,5 millions de fiches et de plus de 630 000 dossiers individuels, rassemblés en 1934 par la Sûreté nationale en un seul « fichier central ».
Cet outil devait permettre de centraliser les renseignements concernant différents groupes de personnes :
- surveillance de militants politiques (en particulier communistes, anarchistes, antimilitaristes ou membres de l’Action française) ;
- démarches des étrangers présents sur le territoire français (carte d’identité, naturalisation) ;
- dossiers de police judiciaire (interdiction de séjour et expulsion) ;
- police des jeux.
Les dossiers individuels comportent des pièces très variées : rapports de police, formulaires de renseignements individuels, parfois avec photographies, empreintes digitales et informations anthropométriques, arrêtés préfectoraux, courriers, coupures de presse, cartes d’identité ou passeports.
Ces archives, qui couvrent les années 1880 à 1940, représentent un « véritable fossile archivistique ». Saisies comme butin de guerre, elles ont échappé aux tris et sélections habituellement appliqués à une telle masse.
Ce fichier central comprend plus de 630 000 dossiers individuels, conservés dans les versements 19940432 à 19940492.
Ce fonds d’archives est librement communicable au regard du code du patrimoine.
Au service de la communauté des généalogistes et des chercheurs
Les généalogistes comme les chercheurs effectuent des recherches historiques individuelles. Celles-ci les conduisent à souvent utiliser les archives de la direction de la Sûreté nationale pour l’extrême richesse historique et généalogique qu’elles présentent.
Or, il n’existait pas jusqu’alors aux Archives nationales d’outils d’orientation permettant d’accéder facilement, par une recherche nominative, aux 630 000 dossiers individuels du fichier central.
L’accès aux dossiers individuels se faisait, jusqu’à présent, en cherchant un nom dans des répertoires semi-alphabétiques élaborés par les archivistes russes, dont les images numérisées sont disponibles depuis 2014 dans la salle de lecture virtuelle des Archives nationales.
La crise sanitaire au printemps 2020 a été l’occasion d’engager au sein des Archives nationales un projet collaboratif visant à indexer les répertoires alphabétiques pour permettre une recherche nominative et faciliter la consultation des dossiers originaux en salle de lecture à Pierrefitte-sur-Seine. Résultat : plus de 150 000 dossiers individuels inventoriés en quelques semaines.
De son côté, la communauté des membres de Geneanet s’est lancé, en 2018, dans ce même projet d’indexation des registres décrivant les dossiers individuels du fichier central.
La mutualisation des projets menés en parallèle par les Archives nationales et Geneanet permet, aujourd’hui, de proposer en ligne l’indexation d’environ 300 000 dossiers.
Repères
Le site Geneanet rassemble une communauté de plus de 4 millions de membres. Il compte plus de 1,3 million d’arbres généalogiques en ligne et 7 milliards d’individus indexés.
Geneanet repose sur un modèle contributif, collaboratif et freemium, avec une offre gratuite importante (création et consultation des arbres en ligne, accès aux données partagées dans le cadre de projets collaboratifs...), et une offre Premium qui donne accès à davantage de fonctionnalités. Les projets collaboratifs de numérisation et/ou d’indexation de documents d’archives portés par Geneanet sont variés, et mobilisent des milliers de bénévoles, parfois au côté d’associations ou d’acteurs institutionnels comme des services d’archives. Toutes les données indexées via ces projets sont accessibles librement à tous sur Geneanet, et permettent aux généalogistes du monde entier de progresser dans leurs recherches.
Des données plus faciles d’accès
La mise à disposition de ces données facilite l’utilisation par les chercheurs de ce corpus pour des enquêtes plus systématiques sur des groupes d’individus. Il est désormais possible d’identifier massivement des personnes sur la base des noms et prénoms : prénoms féminins, patronymes finissant par -ian pour les Arméniens, etc.
Les index peuvent également être croisés avec des référentiels extérieurs (Wikidata, Le Maitron - dictionnaire biographique du mouvement ouvrier et du mouvement social, Data.bnf.fr), ouvrant ainsi de nouvelles perspectives d’exploitation et de recherches historiques.
Le dépouillement des répertoires alphabétiques est l’occasion de recroiser des personnalités dont les dossiers sont déjà connus (Jean Cocteau, Georges Bernanos), mais aussi de rencontrer d’autres parcours, au début du XXe siècle : hommes politiques en devenir ou simples militants, célébrités de l’époque, familles arrivées en France dans l’entre-deux-guerres, etc.
Le partenariat et l’échange des données entre les Archives nationales et Geneanet permettra à moyen terme l’indexation totale des dossiers individuels du fichier central.