L'hôtel de Rohan et la Chancellerie d'Orléans

Entre 1705 et 1708, le futur cardinal de Rohan charge l’architecte Pierre Alexis Delamair de lui construire un hôtel particulier. En 1808, l’État l’affecte à l’Imprimerie impériale qui y installe ses presses et ses ouvriers. Aujourd’hui, l’hôtel de Rohan abrite les fameux salons des Singes et des Fables ainsi que les décors de la Chancellerie d’Orléans.

Façade sur jardin de l’hôtel de Rohan après sa restauration, en 2016. © Archives nationales de France / Nicolas Dion

L’hôtel de Rohan, heurs et malheurs du palais cardinal

Un singe dresseur de chien, détail d’un panneau peint du salon des Singes. © Archives nationales de France

Entre 1705 et 1708, tandis que ses parents transforment l’hôtel de Soubise, le futur cardinal de Rohan, fils cadet de François de Rohan-Soubise, charge l’architecte Pierre Alexis Delamair de lui bâtir un hôtel particulier.

Construit entre cour et jardin, il dresse sa façade monumentale devant les parterres de broderie communs à l’hôtel de Soubise. À l’intérieur, ses salons sont richement décorés de tapisseries des Gobelins. La célèbre bibliothèque du cardinal, qui occupe l’ensemble du rez-de-chaussée, est fréquentée par le philosophe Montesquieu ou l’érudit Dom Bernard de Montfaucon.

Quelques années plus tard, le cardinal de Rohan, qui mène grand équipage, fait bâtir de vastes écuries. Au-dessus de leur porte, Robert Le Lorrain sculpte son chef-d’œuvre : le relief des Chevaux du Soleil.

En 1751, François Armand de Rohan, devenu à son tour cardinal, entreprend des travaux de rénovation dans l’hôtel hérité de son grand-oncle. L’appartement de réception est luxueusement réaménagé dans le style rocaille, avec son fameux salon des Singes décoré par Christophe Huet. 
 

Installation de l’Imprimerie nationale puis des Archives nationales

À partir de la Révolution, l’hôtel particulier est mis sous séquestre puis vendu. En 1808, l’État l’affecte à l’Imprimerie impériale qui y installe ses presses et ses ouvriers. 

Après plus d’un siècle d’activité, l’Imprimerie nationale quitte l’hôtel de Rohan, en 1927. Ce dernier est alors affecté aux Archives nationales. 

Les anciennes écuries du cardinal de Rohan sont aménagées en magasins d’archives, afin d’accueillir les documents du Minutier central des notaires parisiens.

L’architecte Robert Danis rénove le corps de logis principal de l’hôtel, entre 1932 et 1938. L’escalier d’honneur, démoli en 1824, est restitué. Le salon de compagnie et le salon des Singes sont restaurés. Celui des Fables, provenant de l’aile démolie de l’hôtel de Soubise, y est remonté. En 1938, ces nouveaux espaces sont ouverts au public, en extension du Musée des Archives nationales. 

En 2005, l’hôtel de Rohan referme ses portes. D’importants travaux de restauration de ses façades et toiture sont engagés. Après un exceptionnel chantier de remontage, son rez-de-chaussée abrite désormais les décors de la chancellerie d’Orléans, inaugurés en 2021.
Le premier étage de l’hôtel, quant à lui, fait l’objet d’un programme de restauration en cours de réalisation. Une campagne de mécénat est lancée pour soutenir cette restauration d’ampleur (voir nos actions de mécénat).

Le salon des Fables, créé vers 1736 par Germain Boffrand pour l’hôtel de Soubise et remonté à l’hôtel de Rohan en 1938. © Archives nationales de France
Relief des Chevaux du Soleil sculpté par Robert Le Lorrain au-dessus de la porte des écuries du cardinal de Rohan, 1732. © Archives nationales de France / William Siméonin
Salon des singes, décoré par Christophe Huet, 1751-1753. © Archives nationales de France

Chronologie

1700 
Achat de l’hôtel de Guise par François de Rohan-Soubise.

1705-1708 
Construction de l’hôtel de Rohan par Pierre Alexis Delamair pour Armand Gaston de Rohan, fils cadet du prince.

1751-1753 
Réaménagement de l’appartement de réception dans le style rocaille pour le cardinal François Armand de Rohan.

1808 
Achat de l’hôtel par l’État et affectation à l’Imprimerie impériale.

1927 
Départ de l’Imprimerie nationale et affectation aux Archives nationales. 

1932 
Installation du Minutier central des notaires parisiens dans les anciennes écuries de l’hôtel réaménagées en magasins d’archives. 

1938 
Inauguration de l’hôtel et ouverture au public après sa restauration par l’architecte Robert Danis.

2005 
Fermeture de l’hôtel particulier.

2021 
Inauguration des décors de la chancellerie d’Orléans remontés au rez-de-chaussée de l’hôtel. 

Pour aller plus loin

À lire
Archives nationales. Le Quadrilatère du Marais, de Régis Lapasin et Sabine Meuleau, coll. Itinéraires du patrimoine, Paris, Éditions du patrimoine, nouvelle édition augmentée 2023. 
En vente dans les boutiques des Archives nationales.

Les hôtels de Soubise et de Rohan-Strasbourg. Marchés de construction et de décor, par Philippe Béchu et Christian Taillard, Paris, Archives nationales/Somogy éditions d’art, 2004. 
En vente dans les boutiques des Archives nationales.

À voir 
Les hôtels de Soubise et de Rohan, de Richard Copans, collection Architecture, Les Films d’Ici/Arte France, 2011, 26 minutes.

La Chancellerie d’Orléans, renaissance d’un chef d’œuvre

Couple de putti sculpté par Augustin Pajou pour les dessus-de-porte de la chambre de la marquise de Voyer © Nicolas Dion et Nicolas Cantin / Archives nationales de France

L’hôtel de la chancellerie d’Orléans a été démoli au début du XXe siècle. Mais, longtemps conservés par la Banque de France, ses décors ont été restaurés et remontés à l’hôtel de Rohan.  

En 1703, le duc d’Orléans, neveu de Louis XIV et futur Régent du royaume à la mort du Roi-Soleil, fait don à son précepteur et favori, l’abbé Guillaume Dubois, d’une parcelle en bordure du jardin du Palais-Royal.
L’abbé confie au jeune Germain Boffrand la construction d’une maison à cet emplacement. Mais, dès 1707, Dubois doit céder la place : le duc d’Orléans a décidé de donner la maison à sa maîtresse, Marie-Louise Le Bel de la Boissière de Séry, dite Mademoiselle de Séry. Germain Boffrand reprend alors la décoration des pièces intérieures pour leur donner éclat et raffinement. 

Dans le grand salon, sous le pinceau d’Antoine Coypel, le plafond voûté se pare d’une grande peinture sur le thème du Triomphe de l’Amour sur les dieux.  
Triomphe éphémère : en 1710, le Régent renvoie sa maîtresse qui doit quitter l’hôtel. Celui-ci est confié, quelques années plus tard, au comte d’Argenson, fidèle de la maison d’Orléans. À sa mort en 1764, son fils le marquis de Voyer demande à son architecte favori, Charles De Wailly, de repenser entièrement le décor de l’hôtel.

Un aménagement renouvelé dans le goût néo-classique

Personnage exemplaire des grands aristocrates du siècle des Lumières, le marquis de Voyer est un collectionneur passionné et un mécène éclairé. Dans son hôtel parisien, il demande à De Wailly de renouveler l’aménagement dans le goût néo-classique. Il s’entoure des meilleurs talents de son temps, notamment du sculpteur du roi Augustin Pajou, auteur des statues ornant les façades comme des œuvres sculptées de la décoration intérieure. Celle-ci est d’une richesse inouïe et mêle boiseries, sculptures, stucs peints et dorés et plafonds peints par les plus grands artistes du moment : Lagrenée, Durameau, Briard

Remarqués pour leur originalité et leur caractère novateur, en rupture avec le goût rocaille triomphant sous le règne de Louis XV, ces décors marquent un tournant dans l’histoire des arts décoratifs français. 
Revenu à la famille d’Orléans en 1783, l’hôtel est utilisé comme siège de son administration par le duc. Il prend le nom de « chancellerie d’Orléans ». Vendu sous la Révolution, il change souvent de propriétaires et d’occupants au cours du XIXe siècle. En raison de la qualité de son architecture et de ses décors intérieurs, l’hôtel est classé au titre des Monuments historiques en 1914.

Après la Première Guerre mondiale, les modifications de l’urbanisme de ce quartier de Paris et la volonté de la Banque de France, installée depuis le XIXe siècle à l’hôtel de Toulouse tout proche, d’étendre ses bureaux entraînent la disparition de l’hôtel.

Expropriation et démolition à une condition

L’expropriation, le déclassement puis la démolition du bâtiment ne sont toutefois autorisés qu’à une condition : les salons remarquables de l’hôtel doivent être remontés, à la charge de la Banque de France. Les éléments du décor intérieur (plafonds, boiseries, stucs, parquets, portes et fenêtres) sont donc inventoriés, démontés avec soin, mis en caisses et transportés dans des entrepôts en prévision de sa reconstitution, dans un lieu à déterminer…
Un siècle est nécessaire pour y parvenir, après l’échec de multiples projets.

En 2021, les décors de la chancellerie d’Orléans ont été remontés dans l’hôtel de Rohan, comme ici l’antichambre. © Photos : Nicolas Dion et Nicolas Cantin/Archives nationales de France
Le "Triomphe de l’Amour sur les dieux", plafond du grand salon peint par Antoine Coypel, en 1708. © Société Arcanes
Le plafond de la salle à manger représente Hébé versant le nectar à Jupiter. Il a été peint par Jean-Jacques Lagrenée, en 1772-1773.
Grand salon de la Chancellerie d’Orléans remonté à l’hôtel de Rohan, 2021. © Archives nationales de France / Nicolas Dion et Nicolas Cantin

Renaissance à l’hôtel de Rohan 

Au milieu des années 2000, l’hôtel de Rohan, dont les propres décors ont entièrement disparu au rez-de-chaussée, est choisi pour remonter les quatre salons conservés. 
Grâce au soutien d’un fonds de mécénat américain, le World Monuments Fund (en savoir plus) et au co-financement de la Banque de France et du ministère de la Culture, les travaux de restauration sont lancés en 2011.  

Le caractère exceptionnel du chantier tient à la fois à la richesse et à l’originalité des décors de Charles De Wailly, à la reconstitution minutieuse d’un puzzle constitué de milliers de pièces et au défi d’intégrer les décors dans un hôtel existant. 
En 2021, les salons de la Chancellerie d’Orléans remontés à l’hôtel de Rohan sont inaugurés. 

Façade de l’hôtel d’Argenson sur le jardin du Palais-Royal avant sa transformation par Charles de Wailly, publiée dans le Livre d’architecture de Germain Boffrand, en 1745. © Archives nationales de France
Ancienne façade donnant sur le jardin de la chancellerie d’Orléans, photographiée en 1889. © RMN/GP/M. Mieusement
Le plafond de la salle à manger en cours de remontage à l’hôtel de Rohan en mai 2021. © Thierry Ardouin/Oppic/Tendance Floue
Une voussure du plafond du grand salon lors de sa restauration en atelier. © Société Arcanes

Chronologie

1703-1708 
Construction de l’hôtel par l’architecte Germain Boffrand le long des jardins du Palais-Royal à Paris.

1764-1772 
Remaniement complet des décors par l’architecte Charles De Wailly pour le compte du marquis de Voyer, nouveau propriétaire de l’hôtel.

1783 
Devenu siège de l’administration du duc d’Orléans, l’hôtel, anciennement d’Argenson, prend le nom de Chancellerie d’Orléans. 

1914 
Classement au titre des Monuments historiques. 

1923 
Démontage et mise en caisse des décors, démolition de l’hôtel.

2011 
Lancement du chantier de restauration et de remontage des décors à l’hôtel de Rohan.

2021 
Inauguration des salons reconstitués. 

Automne 2025 
Ouverture prévisionnelle au public.

À lire

La chancellerie d’Orléans. Renaissance d’un chef-d’œuvre (XVIIIe-XXIe siècles), sous la direction d’Emmanuel Pénicaud et d’Arnaud Manas, Paris, Éditions Faton, 2022, 254 pages.
En vente dans les boutiques des Archives nationales.

Les décors de la Chancellerie d’Orléans, hors-série de Connaissance des arts, Paris, 2021. 
En vente dans les boutiques des Archives nationales.

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