Interview de Zahia Ziouani, cheffe d’orchestre
Publié / modifié le : 19/12/2025
Directrice artistique et musicale de Divertimento, Zahia Ziouani a créé cet orchestre symphonique à l’âge de 20 ans. Elle accompagne des solistes internationaux et joue dans le monde entier. La cheffe d’orchestre affectionne aussi les concerts populaires en plein air. Son crédo : rendre la musique classique accessible à toutes et tous. Zahia Ziouani a accordé un entretien à « Mémoire d’avenir » n°61, à l’approche de Journée internationale des droits des femmes, le 8 mars prochain.« Aujourd’hui, il n’est pas toujours possible pour un jeune de milieu modeste d’avoir un lien avec les arts et la culture. Nous, les artistes, avons une responsabilité et nous devons nous emparer du sujet. »
Comment vous sont venus la découverte et l’amour de la musique classique, souvent perçue comme difficile ?
Mes parents étaient très mélomanes et musiciens. Ils m’ont initiée à la musique. On en écoutait beaucoup à la maison !
Naturellement, ma sœur jumelle [NDLR : violoncelle solo au sein de Divertimento], mon frère et moi, nous avons eu envie de l’étudier. Ma mère nous a inscrits au conservatoire de Pantin (Seine-Saint-Denis).
Ayant grandi avec une double culture franco-algérienne – mes parents écoutaient autant de la musique classique qu’arabo-andalouse, des chansons d’Idir, Michael Jackson, Tina Turner ou du jazz… –, j’ai acquis cette grande ouverture.
J’ai eu la grande chance de découvrir les arts dans le cadre familial parce que mes parents ont été très investis dans mon éducation. Mais, je sais qu’aujourd’hui, il n’est pas toujours possible pour un jeune de milieu modeste d’avoir ce lien avec les arts et la culture. Nous, les artistes, nous avons une responsabilité, et nous devons nous emparer du sujet.
Vous aimez mêler des musiques diverses, pas seulement du répertoire classique occidental. Quelles sont vos sources d’inspiration ?
Même si je suis plutôt spécialiste de la musique française, j’ai toujours été passionnée par divers styles de musiques. J’ai dirigé l’Orchestre national en Algérie [NDLR : de 2006 à 2013]. Et j’ai réalisé qu’aux côtés de notre musique classique européenne, existe une musique classique propre à d’autres cultures, qui a inspiré des compositeurs emblématiques français et européens.
De mon point de vue d’artiste, je m’attache à montrer que notre patrimoine musical ne provient pas uniquement d’une culture franco-française ou européenne, centrée sur soi. Au contraire !
Avec Divertimento, les musiciens et moi pouvons passer de Saint-Saëns à du classique algérien, puis à des partitions contemporaines. Nous jouons aussi des musiques d’Amérique – inspirées à la fois des cultures européennes et africaines, comme le jazz –, d’Afrique du Sud, d’Amérique du Sud, d’Asie ou d’Océanie…
Mon but est de permettre au public, notamment les jeunes avec lesquels je travaille, de découvrir le monde par la musique. Mais, de nos jours encore, la culture demeure l’un des sujets les plus inégalitaires.
Pourtant, les politiques publiques liées à la culture ne favorisent-elles pas l’accessibilité aux pratiques et écoutes de la musique classique ?
Les politiques publiques permettent de réaliser beaucoup de choses en termes d’accès à la culture, en général. Cependant, même si cela évolue, la culture demeure peu accessible dans bien des territoires urbains ou ruraux, qui connaissent de grandes difficultés de ce point de vue-là.
Les projets artistiques des grandes institutions incarnent l’excellence en France, comme ceux de La Comédie française, de l’Opéra de Paris, des grands musées… Mais, tout ne doit pas être concentré dans ces lieux de prestige, où Divertimento se produit aussi.
Il est important de faire rayonner la culture dans les territoires les plus fragiles, pas seulement à travers l’engagement de petits acteurs locaux qui interviennent sur le terrain, comme moi avec mon orchestre.
Quand je dirige l’orchestre, je veille à produire le même concert dans un quartier populaire, un territoire rural, sur une scène nationale ou internationale. Mais, quand Divertimento joue à Sevran ou à Stains, en Seine-Saint-Denis, c’est plutôt avec le soutien des crédits de la politique de la ville que des crédits alloués à la culture.
Le sujet clé, c’est de faire en sorte que la musique classique – qui procure beaucoup d’émotions et est très belle – soit à la portée du plus grand nombre.
Consulter les dates des prochains concerts ici : orchestre-divertimento.com