Gustave Eiffel, l’homme de fer
Publié / modifié le : 09/04/2025
Le 27 décembre 1923, Gustave Eiffel disparaît à l’âge de 91 ans. Si son nom est universellement associé à la « tour de 300 mètres » élevée à l’occasion de l’exposition universelle de 1889, son esprit ingénieux a marqué nombre de réalisations techniques, en France et à l'étranger, du pont ferroviaire sur la Garonne à Bordeaux, en 1858, à la structure du Palais de fer d’Orizaba au Mexique, en 1894.Aux origines : Bonickausen dit Eiffel, une affaire de nom
Le monument parisien emblématique – français par excellence, représentant la République dans le monde entier – aurait pu être connu sous un tout autre nom que celui qui fait sa renommée universelle. Sans l’opiniâtreté de son concepteur, la tour Eiffel s’appellerait « tour Bonickhausen ». Gustave Eiffel et Gustave Bonickhausen ne sont qu’une seule et même personne. C’est en 1879 que Gustave Bonickhausen dit Eiffel obtient légalement l’autorisation de remplacer son patronyme à consonance germanique par celui d’Eiffel qu’il utilise déjà couramment dans le cadre privé et dans le monde des affaires.
Un de ses aïeuls, d’origine rhénane, était venu s’établir à Paris près de deux siècles plus tôt, vers 1710. Il avait décidé de joindre au nom Bonickhausen celui d’Eiffel qui lui rappelait sa région natale (l’Eifel, un massif boisé de Rhénanie-Palatinat) et qui était aussi beaucoup plus facile à prononcer. Depuis lors, toute cette branche de la famille utilisa par commodité et par habitude le nom double « Bonickhausen dit Eiffel » voire, tout simplement, « Eiffel », considéré tantôt comme un surnom tantôt comme un nom additionnel. Au fil des ans, l’usage s’en était imposé jusqu’à figurer sur nombres d’actes officiels (contrats de mariage, certificats, nominations) de différents membres de la famille et ce, sur plusieurs générations.
La résistance d’un nom
En 1870, Napoléon III déclare la guerre à la Prusse. La défaite française qui s'ensuit, avec la cession de l’Alsace-Moselle à l’Empire allemand dès 1871, nourrit dans la société française un ressentiment croissant à l'égard du peuple allemand.
C’est cet « anti-germanisme » qui lui porte désormais préjudice, notamment dans la conduite de ses missions professionnelles, que Gustave Eiffel mettra en avant à l’appui de sa demande de changement de nom pour lui et ses cinq enfants dans le dossier, constitué en 1878 et instruit par le Bureau du sceau du ministère de la Justice :
« J’ai toujours porté ce nom [Eiffel] qui m’est donné journellement dans mes rapports commerciaux ou autres, comme dans tous les titres où je suis appelé à figurer. […] Mais, aujourd'hui, Monsieur le Ministre, les raisons les plus sérieuses me forcent à vous demander de m’autoriser à ne plus porter ce nom de Bonickausen et à rectifier en ce sens mes actes de l’État civil et ceux de mes enfants, tous mineurs.
Je ne parle pas de la gêne continuelle que peut occasionner cet assemblage de deux noms dont l’un est absolument inconnu et que cependant je suis obligé de respecter dans tous les actes authentiques auxquels je suis partie, transferts, immatricules de rentes ou valeurs, contrats notariés, actes de l’État civil, etc.
Le véritable intérêt, celui qui vous paraîtra décisif, Monsieur le Ministre, c’est que ce nom de Bonickausen a une consonance qui inspire des doutes sur ma nationalité française, et ce simple doute est de nature à me causer individuellement, soit commercialement, le plus grand préjudice. Depuis la dernière guerre, les sentiments d’antipathie contre les Allemands, qui sont nés de ces douloureux évènements de 1870-1871, ont eu, vous le savez, pour résultat de faire mettre en suspicion les étrangers de cette nationalité ; si bien qu’on hésite à confier un travail ou à faire des commandes à un Allemand.
Il y a plus, nous sommes si près de ces temps malheureux que c’est, encore aujourd’hui, une injure à lancer à la face d’un individu que de l’appeler « Prussien ». Croyez-le bien, Monsieur le Ministre, ce ne sont pas là, de ma part, des craintes chimériques. Bien souvent, j’ai dû, malgré les titres que je joins à cette supplique et qui établissent si éloquemment notre qualité de Français, justifier de cette qualité, avant de pouvoir traiter d’affaires importantes dont je sollicitais l’entremise. […] Depuis la Guerre, à plusieurs reprises, des ouvriers, des employés congédiés ont essayé de faire circuler des bruits graves sur ma nationalité. On a répandu des bruits parmi les électeurs de Levallois dans le but d’empêcher mon élection comme conseiller municipal de cette même commune. On a cherché à accréditer ces mêmes bruits parmi mes ouvriers afin de les amener à quitter mes ateliers. Et tout cela parce qu’on avait trouvé dans les actes publiés cette dénomination de consonance toute germanique que je semble dissimuler sous un nom d'emprunt. […]
Dans ces circonstances, il vous paraîtra sans doute urgent, Monsieur le Ministre, de faire droit à ma demande dans mon intérêt et dans celui de mes enfants. Je n’ai pas besoin de vous faire observer qu’à la différence de bien des sollicitations qui vous sont journellement adressées pour obtenir des changements de noms, ma demande n’est inspirée par aucun motif de vanité. Je ne demande pas une particule ni un nom nobiliaire ni un titre. Je ne réclame même pas un nom nouveau sous lequel je puisse dissimuler un passé que j’aurais des raisons de vouloir cacher. Tout au contraire, je demande à porter le seul nom sous lequel moi et ma famille sommes connus depuis plusieurs générations et qui n’est pas un nom d’emprunt ainsi que le démontrent les titres que vous avez sous vos yeux. »
Ce droit lui fut octroyé par le décret du 1er avril 1879 par lequel : « le président de la République a accordé au sieur Bonickausen, ingénieur, constructeur à Levallois-Perret, l'autorisation de substituer à son nom celui de : Eiffel ».
Bien plus tard, durant la Seconde Guerre mondiale, la pérennité du nom Eiffel fut encore mise en péril par la Commission de révision des changements de noms mise en place par le régime de Vichy. Le nom résista à l’examen et fut maintenu.
À l'image de sa célèbre tour dont Gustave Eiffel dut défendre le projet avec âpreté et acharnement, en prouvant qu’elle résistait mieux que tout autre à toutes les intempéries, le nom d’Eiffel affronta, lui aussi, des vents contraires pour s’imposer définitivement, paraissant incarner à lui seul la solidité et la force de volonté d'un ancrage aux dimensions symboliques.
Une installation parisienne
Quittant son village de Marmagen, dans l’Eifel, en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, Jean-René Bonickhausen (1659-1734) vient s’installer à Paris au début du XVIIIe siècle.
Son épouse, Marguerite Frédérick Lideriz (morte en 1764), devenue veuve, se remarie avec Jean-Roch Dosseur, bourgeois de Paris. Le couple Bonickhausen a deux enfants : Jean Pierre Henri (1715-1765) et Marie Marguerite (mort en 1745). Cette dernière épouse vers 1743 Charles Louis Mion, cuisinier des grandes écuries du roi (15 avril 1744), compositeur des ballets du roi et titulaire d’un office de contrôleur de la volaille. Devenu veuf et père d’une fillette de 6 ans, il se remarie, en 1750, avec Rose Marie Soldini.
Quant à Jean Pierre Henri, maître tapissier, il épouse vers 1743 Marie Langoisseux (1722-1790). Leur fils Alexandre Marie (1757-1804) se marie avec Marguerite Joséphine Lachapelle (1772-1849) : ils sont les parents de François Alexandre (1795-1879), père de Gustave.
Enfance et études
Une enfance bourguignonne
François Alexandre, qui était engagé dans les armées napoléoniennes en 1811, devient secrétaire de l’intendance militaire de Dijon. Le 23 novembre 1824, il épouse Catherine Mélanie Moneuse, fille de Jean-Baptiste Moneuse, négociant en bois.
Gustave naît le 15 décembre 1832, à Dijon. Élevé par sa grand-mère, il fait ses études au collège royal de Dijon. À 18 ans, il intègre le collège Sainte-Barbe de Paris où il obtient son baccalauréat ès sciences physiques et prépare le concours d’entrée à l’École polytechnique. Il y est admissible, mais échoue à l’oral.
C’est en cette qualité d’admissible qu’il intègre, en 1852, l’École centrale des arts et manufactures. Moins prestigieuse que Polytechnique, Centrale forme alors des ingénieurs généralistes pour l’industrie naissante.
Des études d’ingénieur
Les notes de Gustave sont excellentes, si l’on excepte le dessin pour lequel elles atteignent tout juste la moyenne. Cette matière semble l’ennuyer profondément. Son dossier scolaire indique que, le 24 novembre 1852, il est rappelé à l’ordre par le conseil de discipline pour avoir « cessé de dessiner 20 minutes avant 4 heures ». Le 20 août 1853, il est noté qu’Eiffel est « souvent en retard pour la remise de ses travaux graphiques ».
De manière générale, tout au long de sa scolarité à Centrale, Eiffel sera souvent absent et en retard, ses absences étant scrupuleusement consignées (14 en première année, 14 en deuxième année et 10 en troisième année), et plutôt dissipé : il est renvoyé pour avoir fait du bruit dans l’amphithéâtre ou blâmé pour ne pas avoir commencé son projet de fin d’études.
Eiffel choisit la spécialité de chimiste, car il espère prendre la succession de l’entreprise de peinture de son oncle. Ses sujets de concours à Centrale sont donc des usines chimiques : une féculerie et une distillerie. Il sort de l’École au 13e rang sur 80.
Mais la famille se brouille avec son oncle et Eiffel, par l’entremise de sa mère, trouve un emploi auprès de Charles Nepveu, un ingénieur constructeur inventif.
Plus tard, grâce à ce dernier, Eiffel obtient un poste à la Compagnie des chemins de fer de l’Ouest, où il se lance dans l’étude des ponts, en particulier ceux destinés aux chemins de fer.
Des ponts aux expositions universelles
Un bâtisseur de ponts
Gustave Eiffel entame donc sa carrière dans le domaine de la construction de ponts, marquant ses débuts en 1858 avec la réalisation du pont de Bordeaux. Destiné à relier le réseau d’Orléans et du Midi, ce projet novateur utilise la technique de l’air comprimé pour établir des fondations profondes, ouvrant ainsi la voie à un succès fulgurant.
Fort de cette réussite, Eiffel entreprend la construction de plusieurs ponts, dont celui de Cubzac (1879-1883), sur la Dordogne, en remplacement d’un ancien pont suspendu. Ce nouvel ouvrage, caractérisé par une poutre droite métallique fixe, témoigne de l’innovation apportée par Eiffel, qui combine les procédés de lançage et de porte-à-faux.
Le viaduc de Garabit, qui franchit la vallée de la Truyère dans le Cantal à une hauteur vertigineuse de 122 mètres, constitue une autre prouesse de Gustave Eiffel. Inspirée du viaduc Maria Pia à Porto (Portugal), l’arche principale adopte la forme d’un arc métallique désormais célèbre sous le nom d’arc parabolique (système Eiffel). Avec une portée de 165 mètres, cette arche détient le record de la plus grande portée au monde lors de sa construction, entre 1880 et 1884.

Une participation aux expositions universelles
Au-delà de ses exploits dans le domaine des ponts, l’entreprise Eiffel laisse également son empreinte dans la construction d’édifices publics et privés, aussi bien en France qu’à l’étranger.
Lors des expositions universelles à Paris, Gustave Eiffel se distingue en réalisant divers ouvrages, dont la Galerie des beaux-arts et d’archéologie à l’exposition de 1867.
En janvier 1866, il obtient le contrat pour la construction de la partie métallique de la galerie, tandis que les maçonneries et les terrassements sont confiés à d’autres entrepreneurs (Audraud et Jullien). Ce projet imposant, couvrant 500 mètres de long sur 15 mètres de large, nécessite l’utilisation de 30 000 kg de fer.
Lors de l’exposition de 1878, Gustave Eiffel conçoit le bâtiment de la Ville de Paris, initialement prévu en maçonnerie avec un revêtement de plâtre. Les contraintes saisonnières conduisent à une modification du projet : une construction entièrement métallique, mieux adaptée aux circonstances.
Gustave Eiffel est également chargé de la construction de la grande galerie, qui forme la façade principale de l’exposition et nécessite l’utilisation de 3 000 tonnes de métal.
C’est lors de cette exposition qu’est dévoilée la tête de la statue de la Liberté, œuvre d’Auguste Bartholdi.
Son armature en fer, qui constitue le support de la « peau » en cuivre de la statue, est conçue par Eiffel et ses ingénieurs. La statue, offerte par les Français aux Américains, est financée par des fonds privés, Bartholdi faisant notamment payer les visites des éléments exposés.
À Philadelphie, en 1876, le flambeau et une partie du bras sont exposés et, lors de l’exposition de 1878 à Paris, les visiteurs peuvent monter au sommet de la tête grâce à un escalier en fer.
C’est à l’occasion de ces réalisations que Gustave Eiffel reçoit la Légion d’honneur, le 1er mai 1878. Il est fait officier le 2 avril 1899.
La tour, triomphe universel en 1889
L’exposition universelle de 1889 offre à Gustave Eiffel l’occasion de parachever son œuvre avec la construction de la « tour de 300 mètres ».
Fort du succès du viaduc de Garabit, l’entrepreneur la conçoit selon des principes constructifs similaires, avec les mêmes méthodes de calcul et d’exécution et par la même équipe d’ingénieurs et de techniciens.
La conception de la tour donne lieu à l’élaboration d’un nombre très important de dessins, notamment plus de 200 dessins d’exécution, transmis à Victor Contamin, ingénieur en chef du contrôle à la direction des travaux, entre mars et septembre 1887.
Ces dessins sont soumis à son approbation, conformément aux dispositions de la convention établie le 8 janvier 1887, qui régit la construction et l’exploitation de la tour.
La construction, achevée en deux ans, deux mois et cinq jours, comprend un appartement au troisième étage réservé à Gustave Eiffel, avec un salon-salle à manger, une cuisine et une salle de bain.
Cet espace, bien que principalement dédié aux installations techniques (ascenseur et escalier), sert également de laboratoires où Eiffel mène des recherches scientifiques avant-gardistes.
La renommée de Gustave Eiffel, liée à la construction de la tour en 1889, atteint son apogée cette année-là, marquant le sommet de sa carrière d’ingénieur et d’entrepreneur. Cependant, cet éclat professionnel est éclipsé quatre ans plus tard par son implication dans le scandale du canal de Panama.
L’affaire de Panama, un tournant professionnel
En tant qu’actionnaire et membre du conseil d’administration de la Compagnie universelle du canal interocéanique, Eiffel se trouve associé à cette entreprise qui fait faillite en 1889 en raison de difficultés techniques, financières et sanitaires.
Bien qu’il ne soit pas directement impliqué dans les actes de corruption qui ont entraîné le scandale, son nom est entaché en raison de son rôle de premier plan au sein de la compagnie.
Gustave Eiffel est poursuivi et condamné en appel, le 9 février 1893, pour « abus de confiance pendant la durée de son entreprise ». Le pourvoi Eiffel est enregistré le 22 février 1893 dans le registre du greffe de la Cour de cassation. Pendant la durée des débats, Eiffel est écroué à la prison de la Conciergerie.
Bien que libéré, Gustave Eiffel voit sa réputation ternie. Il entreprend alors une nouvelle trajectoire professionnelle en tant que savant, se consacrant à des domaines tels que la météorologie, la radiotélégraphie et l’aérodynamique, où il se positionne comme l’un des pionniers.
Malgré l’absence de garanties sur la pérennité de la tour (la jouissance ne lui étant accordée que jusqu’en 1910), Eiffel engage des expériences visant à démontrer l’utilité de la structure. Son audacieux défi se concrétise avec succès, sauvant ainsi la tour, notamment grâce à l’installation d’un émetteur permanent de télégraphie sans fil, en 1901.
Sa vie de famille
Le 5 juillet 1862, à 29 ans, Gustave Eiffel épouse Geneviève Émilie Marie Gaudelet (1845-1877), de douze ans sa cadette. Elle est la fille mineure de Nicolas Jean-Baptiste Noël Gaudelet, propriétaire à Dijon, et de Françoise Apolline Régneau.
Leur contrat de mariage établit « une communauté de biens […] conformément au Code Napoléon ». L’apport du futur (vêtements, bibliothèque, objets mobiliers, etc.) se monte à 3 500 francs, et ses parents lui constituent « en dot » en avancement d’hoirie une somme de 50 000 francs. Du côté de la future épouse, l’apport est de 4600 francs, la dot, elle, s’élève à 110 000 francs.
De cette union naissent trois filles et deux garçons.
- L’aînée, Claire (1863-1934), épouse, le 26 février 1885, Adolphe Salles (1858-1923), polytechnicien, ingénieur des mines. À son mariage, il quitte son poste à la direction de la Compagnie des mines, forges et fonderies d’Alais (dans laquelle il avait introduit la fabrication de l’acier au moyen des fours à sole en fer chromé) pour devenir le collaborateur de son beau-père.
- Laure (1864-1958), la deuxième fille, épouse, le 8 mai 1884, Maurice Le Grain (1857-1916), polytechnicien et chef d’escadron.
- La troisième fille, Valentine (1870-1966), contracte alliance, le 18 janvier 1890, avec Camille Piccioni (1859-1936). Fils d’Antoine Piccioni, maire de Bastia en 1865, docteur en droit avec une thèse sur la neutralité perpétuelle (1891), il intègre le ministère des Affaires étrangères (1894).
Attaché d’ambassade, il est nommé chef du bureau du chiffre (1896), puis chef de cabinet de Delcassé, lors de ses deux passages comme ministre des Affaires étrangères (1898-1905, 1914-1915).
Devenu ministre plénipotentiaire en 1908, il intègre le service des archives diplomatiques et en devient le directeur (1918-1920). Il s’intéresse à l’histoire de cette institution (Les premiers commis des Affaires étrangères au XVIIe et au XVIIIe siècle, 1928), ainsi qu’à l’histoire de son département natal (Histoire du Cap corse, 1923). Il est commandeur de la Légion d’honneur le 20 septembre 1920. - Édouard (1866-1933), suivant l’exemple de son père, prépare Centrale au collège Sainte-Barbe et y est reçu en septembre 1888. Pourtant, il en démissionne assez vite, fait un voyage aux États-Unis et semble s’adonner un temps au yachting. Mais c’est dans le Bordelais qu’il s’installe en achetant, en 1895, le domaine viticole de Vacquey. Il épouse, le 3 octobre 1897 à Bordeaux, Marie-Louise Bourgès (1875-1949).
- Le dernier de la fratrie, Albert (1873-1941), ingénieur agronome, épouse à Nice, le 6 juin 1941, Lucie Martin-Delpué (1888-1977). Il décède un mois après. Elle se remarie, le 4 décembre 1950, avec son neveu par alliance, René Le Grain (1889-1974).
Madame Eiffel décède le 8 septembre 1877 à Levallois-Perret, à seulement 32 ans. Le 20 février 1872, elle rédige un testament olographe, désignant de manière très laconique son mari comme légataire universel. Un inventaire après décès est dressé le 28 décembre 1877.
C'est l’aînée, Claire, qui prend alors les rênes de la famille et reste auprès de son père qu’elle seconde dans son travail.
Gustave Eiffel règle sa succession par une donation-partage à ses enfants par acte passé devant le notaire de la famille, Me Jean Dufour, le 10 décembre 1909. On en retrouve les éléments dans son testament dont l’essentiel a été rédigé dès 1905, dans la propriété de Vevey (Suisse). Il est tout entier écrit de sa main, d’une écriture fine et précise, à l’encre violette.
Il rappelle d’abord que son vœu le plus cher est l’union entre ses enfants et prend soin de laisser des souvenirs de lui à tous ses proches. Il lègue à sa fille Claire son hôtel parisien de la rue Rabelais ; elle occupe d’ailleurs déjà, avec son mari et leurs enfants, une partie de cet hôtel qui est le domicile parisien de son père.
Ce dernier lègue à son fils aîné Édouard le mobilier de son cabinet de travail, ses papiers, livres, décorations, portraits et autres souvenirs de famille.
Il lègue à son gendre, Adolphe Salles, afin qu’il puisse la transmettre à ses petits-fils, Robert et Georges, une bibliothèque et ses livres ainsi que des albums de photographies. À son fils Albert, il lègue son laboratoire de photographie.
En ce qui concerne ses immeubles autres que son hôtel parisien, il laisse sa propriété de Sèvres à Valentine, réserve faite de deux lots attribués à ses deux autres filles, Claire et Laure. De petits croquis sur le testament précisent les limites que le testateur entend donner à ces lots. En patriarche, Eiffel souhaite d’ailleurs, sans en faire une obligation à sa légataire, que la propriété puisse servir l’été à toute la famille réunie.
À Laure, Eiffel lègue son autre hôtel parisien de la rue de Prony ; à Albert, sa propriété suisse de Vevey, dont il souhaite aussi qu’elle puisse accueillir toute la famille.
Eiffel explique n’avoir pas cru devoir léguer à titre particulier à son fils Édouard une de ses propriétés, car il a contribué personnellement et pour une forte somme aux « dépenses d’installation du château de Vacquey », en Gironde, pour plus de 200 000 francs.
Il souligne que, durant les épreuves « subies à la suite des procès de Panama […] il s’est toujours montré un fils tendre et un compagnon dévoué ». Cette allusion à l’affaire de Panama jusque dans son testament prouve combien Eiffel en avait été profondément blessé. Il lègue, en outre, à Édouard 500 000 francs.
Aux dispositions visant à partager entre ses enfants ses souvenirs et biens immobiliers font suite différents legs ponctuels.
Gustave Eiffel meurt le 27 décembre 1923, laissant derrière lui une œuvre considérable à travers le monde :
- une vingtaine de ponts et viaducs ;
- une dizaine de gares et galeries ;
- une huitaine de phares ;
- une cathédrale.
Tous ces ouvrages portent sa marque. Mais son nom reste indéfectiblement attaché à la vedette de l’exposition universelle de 1889 : la tour Eiffel.
