Conservateur honoraire du patrimoine et chercheur associé au laboratoire Héritages, François Gasnault poursuit des recherches sur l'audience des musiques de tradition orale en France tout au long du XXe siècle. Auteur de Guinguettes et lorettes, bals publics et danse sociale à Paris de 1830 à 1870 (Aubier, 1986), il est le co-directeur scientifique du site Les Réveillées qui présente les enquêtes d'ethnographie musicale menées par le CNRS et l'ancien musée des arts et traditions populaires entre 1939 et 1984, dont les Archives nationales conservent les données collectées sur le terrain.

En contrepoint de l'approche institutionnelle que privilégie l'exposition "Musique et République", la conférence portera sur les tentatives de mobilisation, par les courants républicains du centre et de la gauche, des pratiques musicales populaires et ce des lois Ferry au Front populaire. Dans le sillage des Romantiques, une fraction importante des milieux savants avait manifesté, à partir du milieu du XIXe siècle, un vif intérêt pour la culture non écrite des populations paysannes. Transposée dans l'arène politique, cette approche incite à prendre appui sur la "poésie populaire" pour susciter dès le plus jeune âge l'adhésion des campagnes au combat pour l'émancipation des consciences. En témoignent les recueils de chant pour les écoliers publiés à partir des années 1890, qui empruntent beaucoup d'airs aux chansons recueillies par les folkloristes, tout en renouvelant largement les paroles. Puis l'entre-deux-guerres voit s'opérer la montée en puissance de théories pédagogiques replaçant l'enfant au centre du projet éducatif ainsi que celle de mouvements d'éducation populaire ciblant les adolescents et les jeunes adultes. Or dans les deux cas, la démarche emprunte aux répertoires folkloriques qui deviennent de ce fait un enjeu révélateur de la compétition de la gauche républicaine contre les idéologique totalitaires.