Tous pour un, un pour tous ! D’Artagnan, du mythe à l’histoire conservée aux Archives nationales
Héros de papier pour les uns, soldat exemplaire pour les autres, d’Artagnan ne se résume pas aux pages des Trois Mousquetaires. Derrière le panache du roman se dessine la figure d’un homme bien réel, dont la trace subsiste aujourd’hui dans les fonds des Archives nationales. Contrats, inventaires, actes royaux : ces documents redonnent vie au capitaine des mousquetaires du roi, fidèle serviteur de Louis XIV et témoin d’un siècle en quête d’ordre et de grandeur.
Des origines gasconnes à la Cour du Roi
Né vers 1611 au château de Castelmore, près de Lupiac, dans le Gers, Charles de Batz de Castelmore appartient à une petite noblesse provinciale en quête de reconnaissance. Comme tant de jeunes Gascons, il quitte sa terre natale pour tenter sa chance à Paris. Engagé dans les gardes françaises, il s’impose rapidement par sa discipline et son courage, avant d’intégrer la prestigieuse compagnie des mousquetaires du roi. Il adopte alors le nom de sa mère : d’Artagnan.
Les Archives nationales conservent plusieurs pièces retraçant cette ascension, témoignant du lien étroit entre l’homme et l’État royal. Ces traces administratives, apparemment anodines, esquissent le portrait d’un officier ambitieux et fidèle, dont la carrière illustre la consolidation du pouvoir monarchique au XVIIᵉ siècle.
Le mousquetaire du roi
Créée sous Louis XIII, la compagnie des mousquetaires n’était pas seulement une troupe d’élite: elle incarnait la garde rapprochée du souverain, mêlant prestige, discipline et devoir. D’Artagnan y fit ses armes, y gagna ses galons et la confiance du roi. Lorsque Louis XIV lui confie, en 1661, la délicate mission d’arrêter Nicolas Fouquet, le surintendant des finances, c’est un signe éclatant de cette confiance absolue.
Les documents relatifs à cette arrestation, conservés aux Archives nationales, rappellent combien d’Artagnan fut au cœur des affaires de l’État. Pendant trois ans, il veilla sur le prisonnier dans ses lieux de détention successifs, exécutant sa tâche avec une rigueur et une loyauté exemplaire.
Une vie de service et d’honneur
D’Artagnan poursuit ensuite sa carrière au sein de l’armée royale, participant aux campagnes de Flandre et de Franche-Comté. En 1672, promu maréchal de camp, il accompagne le roi au siège de Maastricht. C’est là qu’il trouve la mort, en pleine bataille, le 25 juin 1673 — une fin à la hauteur de son existence tout entière vouée au service du monarque.
Mais au-delà du soldat, les Archives nationales révèlent aussi l’homme. Le contrat de mariage passé en 1659 avec Charlotte Anne de Chanlecy, signé au Louvre en présence de Louis XIV et du Cardinal Mazarin, atteste du rang qu’il avait atteint. D’autres documents, comme l’inventaire après décès dressé à son domicile du quai Malaquais, dévoilent un intérieur sobre et ordonné, ponctué d’effets militaires et de portraits royaux. Rien d’ostentatoire, mais tout respire la fidélité à la Couronne et l’attachement au devoir.
Le vrai visage d’un héros
Ces archives, loin des récits romanesques, nous livrent un d’Artagnan profondément humain. Officier appliqué, mari souvent absent, sujet loyal jusqu’à l’extrême, il incarne la figure de ces serviteurs du roi dont dépend la stabilité du pouvoir. Sa casaque de mousquetaire, soigneusement restituée à la compagnie après sa mort, symbolise cette appartenance indéfectible à l’institution.
Si la légende a ensuite pris le relais, c’est parce qu’elle trouvait là une matière vivante: un homme d’action, un monde de ferveur et de fidélité, un goût du panache que Dumas a su magnifier. Mais derrière la fiction, les documents conservés aux Archives nationales rappellent que l’histoire fut d’abord écrite à l’encre des chancelleries, des notaires et des régiments.