Dans les années 1960, lorsqu’on le rencontre au détour de films dialogués par Michel Audiard ou Alfonse Boudard, le faux-monnayeur apparaît comme un personnage pittoresque et assez inoffensif. Criminel, certes, mais ne suscitant pas vraiment la crainte. Pourtant, dans l’entre-deux-guerres filmé par Fritz Lang ou Erich von Stroheim, ce personnage est nettement plus inquiétant (Mabuse, Folies de femmes). Souvent inspirés de personnages littéraires, ces anti-héros produisent des simulacres de pièces ou de billets qui instaurent un doute tenace -voire le désordre- au sein du corps social. Le banquier anarchiste imaginé par Fernando Pessoa affirme d’ailleurs qu’il cherche à détruire « la plus importante des fictions sociales, l’argent ». Comment la fiction s’est à son tour emparée de ce producteur de copies ? Dans la littérature, la fausse-monnaie aura des résonances fort différentes si elle est évoquée par C.F. Ramuz, A. Gide, J. Ray, C. Baudelaire, V. Hugo, H. Melville ou D.A.F. de Sade… De même qu’en bande-dessinée, le faussaire n’a pas le même statut chez Hergé, Tillieux ou Cosey.

Ludovic Desmedt et Jérôme Blanc racontent la façon dont cette figure persistante du faux-monnayeur contamine de longue date les œuvres littéraires et graphiques.